Rétrospective Roland Lethem

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Une rétrospective des films de Roland Lethem, en présence du réalisateur, aura lieu le 24 mai au Cercle du Laveu en Belgique. Malgré, ou en raison de, l’océan qui me sépare de l’événement, on m’a demandé de rédiger un texte de présentation.

Le cinéma de Lethem a eu une influence directe sur mon propre travail. J’ai donc accepté avec plaisir. Quelques bières et verres de bourbon en visionnant à nouveau La fée sanguinaire et Les souffrances d’un oeuf meurtri m’ont inspiré ces mots:

1.
Le cinéma de Roland Lethem n’a pavé aucun chemin. C’est un molotov dont la déflagration a ouvert une brèche qu’aucun automate ne veut/peut prendre.
2.
Mon premier contact avec le cinéma de Roland Lethem était en 2007. Il ne me reste que de vagues souvenirs de cette expérience, mais je sais qu’elle fut et est encore décisive. Je suis donc replongé dans ces films, heureusement disponibles en ligne sans trop d’effort (encore faut-il connaître le nom). Déclaration : Inconsciemment, son cinéma a marqué au fer rouge celui que je vise à accomplir, même si ma mémoire fait défaut. L’essentiel, en fait, c’est que Lethem n’est pas tombé dans la malédiction du cinéma expérimental. Celle dont a souffert les Anger et Zedd : la maladie, la dépendance, l’érotomanie, le narcissisme. Les pièges que permettent un trop plein de liberté. Je ne connais pas Lethem. Je ne sais pas si lui, comme personne, a échappé à ces pièges. Mais son cinéma oui, certainement.
3.
Le cinéma de Roland Lethem abonde en idées, concepts, textures. Je ne vois pas comment quelqu’un qui aurait des velléités cinématographiques et qui, par hasard, tomberait sur ces films, ne voudrait pas piquer une idée ou deux. Sauf quelqu’un de profondément ennuyant. Vous savez qui vous êtes. Tous les autres sont, d’une manière ou d’une autre, entrés dans cette brèche (voir point 1)
4.
On visionne le cinéma Roland Lethem comme des euphories : intrinsèquement éphémères. Il est possible que plusieurs d’entre vous ne s’en souviennent plus au bout de quelques mois (voir point 2) même si ces films auront laissé quelque chose d’indélébile dans vos nerfs. Les films de Lethem sont ces moments qui valent toute une vie mais qu’on ne retient pas. Comme le sexe et l’enivrement, il s’agit d’expérience charnelle.
5.
Tomber dans la platitude des mots est une crainte constante quand on doit décrire le cinéma de Roland Lethem. Rares sont les cinéastes qui savent aussi bien filmer les poitrines des femmes.
6.
Le cinéma des Roland Lethem libère le cinéma de la littérature en se plongeant tête première dans la littérature. La présence de l’esthétique lettriste, de la structure en chapitre et littéralement de la captation des mots n’est pas, je l’espère, innocente. Son cinéma n’est pas inféodé à la littérature. Il reprend cette dernière et la détourne en un pur plaisir conceptuel.
7.
Le cinéma de Roland Lethem fait plaisir (voir point 6). Il déconstipe et est un cinéma des fluides. Il est d’une nécessaire puérilité qui reconnecte l’œil et les oreilles au corps, qui reconnecte la peau aux idées.
8.
Heureusement pour lui, le cinéma de Roland Lethem n’a rien réglé. Ce qu’il aborde politiquement est encore plus juste et nécessaire pour nos organes génitaux aujourd’hui qu’à l’époque. Une jeune femme souriante bat un policier à mort et il faut trouver cette image érotique. Voilà un beau défi pour notre dystopie contemporaine.
9.
Ce texte était pour hier mais doit être pertinent aujourd’hui.
Le cinéma de Roland Lethem était pertinent hier et l’est d’autant plus aujourd’hui.